Reprenons. Je parlais dans mon dernier billet de la réponse de l'économiste Philippe Aghion à l'édito de Paul Krugman, qui prenait la défense des impôts français.
L'édito de Krugman est ici : The Plot Against France et en français ici.
La réponse d'Aghion est ici : Perte du AA+ : pourquoi Paul Krugman a tort.
Dans le premier billet, je me suis concentré sur le premier des deux points de désaccord que soulève Aghion, qui revient à affirmer qu'il croit en la possibilité de politiques économiques capables de stimuler la croissance (comme si Krugman n'y croyait pas, lol mdr !).
Le deuxième point concerne la manière. Aghion commence cependant en disant ceci :
Ensuite, je ne partage pas l'idée qu'une politique de réduction des déficits uniquement par l'impôt est sans conséquence pour l'emploi et la croissance.
Cela paraît raisonable, mais encore une fois c'est tordre les mots de Krugman :
En fait, des recherches menées par le FMI laissent entrevoir que quand on veut limiter les déficits durant une récession, c'est l'inverse qui est vrai : des augmentations temporaires des impôts sont moins dommageables qu'une réduction des dépenses. (C'est moi qui souligne, o16o.)
Voilà : moins dommageables et non pas : « sans impact du tout », comme Aghion fait semblant de lire.
Cette phrase, toutefois, sert seulement de transition pour arriver à, visiblement, Aghion croit être le plus important. On poursuit la lecture :
La comparaison entre la France et des pays comme l'Australie, le Canada, les Pays-Bas, et la Suède suggère en fait exactement le contraire. Ces pays ont choisi de remettre à plat leurs missions publiques afin de réduire leurs dépenses, plutôt que de s'attaquer comme la France au problème des déficits principalement à travers une augmentation massive des impôts.
Il oppose au mauvais élève français ces pays exemplaires, et un peu plus loin se concentre sur la Suède :
L'exemple suédois est particulièrement illustratif : une dette publique élevée (proche de 85 % du PIB), un chômage élevé, et une production en stagnation en 1990 ; ensuite une réforme radicale de l'Etat, avec en particulier les effectifs dans le secteur public qui sont passés de 1,7 million dans les années 1990 à environ 1,3 million aujourd'hui, tandis que l'emploi dans le secteur privé est passé de 2,8 millions à 3,25 millions. Ainsi, le surcroît d'activité du secteur privé a plus que compensé la contraction du secteur public.
Ces réformes ont permis à la Suède de devenir l'un des pays les plus performants de l'OCDE, avec un taux de croissance annuel de plus de 3 % en moyenne sur les trois dernières années, et des finances publiques rééquilibrées tout en demeurant le deuxième pays le moins inégalitaire au monde.
Super, la Suède, non ? Malheureusement c'est un peu plus compliqué. Car la Suède, c'est l'exemple que l'on cite toujours pour faire ce genre d'argument, avec le Canada, qu'Aghion mentionne aussi. Et le contexte des « miracles » canadien et suèdois était bien différent du notre aujourd'hui, c'est ce que montre Marco Giuli ici. Le Canada comme la Suède bénéficiaient de la croissance de leurs voisins, les Etats-Unis et l'Europe, respectivement, et pouvait dévaluer leur monnaie. Aujourd'hui, la demande extérieure n'existe pas, car la récession est globale, et les pays de l'Europe n'ont plus la possibilité de dévaluer leur monnaie. (Merci l'Euro et la BCE, merci Angela aussi.)
Encore une fois on constate que la stratégie allemande, et l'austérité en générale, peuvent apporter les fruits souhaités dans certaines circonstances bien précises, et surtout pour des pays individuels qui peuvent, parfois, en se privant, acquérir un avantage vis-à-vis des voisins. Mais ces stratégies ne marchent pas collectivement, elles ne constituent pas un modèle universel.
Le plus grave, dans le texte d'Aghion, est sans doute ce qui est absent : l'évaluation des effets de l'austérité en Europe depuis cinq ans : l'Espagne et l'Irlande, exsangue ; l'Italie en mauvaise posture. Au Portugal le chômage a baissé… à 15,6 % Sans parler de la Grèce.
Ce que montre Paul Krugman, c'est que malgré tout le bruit, la France se débrouille pas trop mal. Il avait été plus précis en juillet dernier, quand il comparait la France et les Pay-Bas, la France dépensière et paresseuse étant en meilleure posture que les vertueux et austères Pay-Bas.
Aghion cherche à préserver la foi, en évitant de répondre aux véritables critiques, de plus en plus convaincants à chaque nouveau trimestre de récession ou de stagnation en Europe, contre l'austérité, en affirmant les vieux fondements de la foi austéritiste.
L'édito de Paul Krugman du 10 novembre au New York Times avait fait beaucoup de bruit en France car il justifie, d'une certaine façon, l'austérité fiscale que pratique François Hollande. Une figure aussi visible qui vole au secours d'un président accablé, cela fait couler de l'encre. Krugman, en bon blogueur, ne se prive pas d'un titre qui attire l'oeil : « Le complot contre la France ». Oh dear!
Quatre jours plus tard, Philippe Aghion, professeur d'économie à Harvard et (ex-?) soutien de François Hollande réplique dans Le Monde.
Perte du AA+ : pourquoi Paul Krugman a tort
Curieusement, si aujourd'hui vous faites une recherche dans Google News, le texte d'Aghion n'a presque pas suscité de commentaire. Je reviendrai plus loin à ce point.
Commençons par ce que dit Aghion.
Après quelques préalables qui occupent les premiers paragraphes, Aghion arrive à l'essentiel :
Pour autant, je suis en désaccord avec Paul Krugman sur au moins deux points.
Le premier de ces deux points concerne l'efficacité des politiques économiques en faveur de la croissance. Aghion explique son désaccord
avec l'idée que nous ne savons rien sur les politiques de croissance qui marchent. Au contraire, une littérature académique florissante montre les effets positifs sur l'innovation et la croissance d'une plus grande concurrence sur le marché des biens, de davantage de flexibilité sur le marché du travail, d'investir mieux dans l'enseignement et la recherche, et de conduire des politiques budgétaires et fiscales plus contracycliques.
Effectivement, dire que nous ne savons rien sur ce qui produit la croissance, ou du moins quelles politiques vont stimuler la croissance, c'est un peu gros de la part d'un prix Nobel, non ? Il a dit quoi au juste, Krugman ?
Il semble qu'Aghion est en train de répondre à cette partie du texte de Krugman :
S.& P.’s explanation of its downgrade, though less clearly stated, amounted to the same thing: France was being downgraded because “the French government’s current approach to budgetary and structural reforms to taxation, as well as to product, services and labor markets, is unlikely to substantially raise France’s medium-term growth prospects.” Again, never mind the budget numbers, where are the tax cuts and deregulation?
You might think that Mr. Rehn and S.& P. were basing their demands on solid evidence that spending cuts are in fact better for the economy than tax increases. But they weren’t. In fact, research at the I.M.F. suggests that when you’re trying to reduce deficits in a recession, the opposite is true: temporary tax hikes do much less damage than spending cuts.
Voici la traduction, via Courrier International :
Peut-être M. Rehn et S&P fondent-ils leurs exigences sur des indices démontrant sans l'ombre d'un doute que la réduction des dépenses vaut mieux pour l'économie que les hausses fiscales. Pas du tout. En fait, des recherches menées par le FMI laissent entrevoir que quand on veut limiter les déficits durant une récession, c'est l'inverse qui est vrai : des augmentations temporaires des impôts sont moins dommageables qu'une réduction des dépenses.
Oh, et quand les gens commencent à vous décrire les merveilles de la "réforme structurelle", prenez ça avec des pincettes, ou plutôt de grosses pinces. C'est une sorte de synonyme de "déréglementation" - dont les vertus restent sérieusement à démontrer. Rappelez-vous, l'Irlande avait été saluée en fanfare pour ses réformes structurelles dans les années 90 et 2000 ; un "formidable exemple", s'était extasié George Osborne, aujourd'hui ministre britannique des Finances, en 2006. Comment tout cela s'est-il terminé ?
Lisez bien. Ce que Monsieur Krugman met en cause, ce n'est pas la possibilité même de savoir quelles politiques vont relancer la croissance, mais bien deux approches que nous connaissons très bien car elles forment la doxa économique que l'on entend depuis maintenant des décennies :
Quand Monsieur Aghion dit que Krugman dit qu'on ne peut pas savoir ce qui va stimuler une économie, c'est un peu de la mauvaise foi. Ce n'est pas du tout ce qu'il dit, en fait. Et Aghion va jusqu'à inclure dans la catégorie "politiques de relance qui marchent" les des politiques budgétaires et fiscales plus contracycliques. Si vous suivez un peu Krugman, vous savez que c'est précisément ce pour quoi il se bat depuis longtemps. C'est un keynésien. Lui retorquer que la dépense publique peut relancer l'économie, c'est quand même bizarre.
En réalité, Krugman dit que c'est moins évident qu'on ne le pense. L'Irlande a fait des super réformes structurelles et cela ne l'a protégée en rien contre la crise de 2008. Et quant à l'austérité, Krugman met en lien cet article de Ronald Janssen :
the Commission is ignoring the results from recent studies on austerity. These studies do not only find that fiscal multipliers are much higher when the economy is in recession. They also find that when the economy is in recession and an expenditure based consolidation instead of a tax based consolidation is being pursued, the costs in terms of growth are enormous.
J'ai parlé des fiscal multipliers dans mon dernier billet. Ce sont des chiffres qui sont censés dire l'efficacité de telle mesure en termes d'augmentation ou de réduction du PIB. Ce que Janssen dit ici, c'est que les dernières études montrent que le fiscal multiplier de l'austérité est au-dessus de 1 quand une économie est en récession. Ce qui veut dire qu'une coupe de x en dépense aurait un impact de, par exemple, 1,5 fois x en termes de PIB. En gros, plus vous coupez, plus l'économie se rétrécit, et ainsi de suite. Et il suggère même que le fiscal multiplier des augmentations d'impôts peut être inférieur (donc plus favorable en termes de croissance) à celui des dépenses.
Tout cela pour dire que, tout d'abord, Aghion ne répond pas franchement à l'argument de Krugman sur ce point. Et on comprend pourquoi : ce que Philippe Aghion veut sauver à tout prix, c'est justement cette idée que la dérégulation (réformes structurelles) et l'austérité vont nous sauver. Mais cela, ce sera pour le prochain billet.
Economie et austérité. Je ne change pas beaucoup de sujet, sauf quand je n'ai pas de sujet du tout. (Voir les onze derniers mois.)
Marco (Alter Oueb) écrit, à propos de la crispation générale du pays décrite dans la lettre secrète des préfets :
François Hollande est devenu clairement la cause de tous les maux et cristallise autour de lui toutes les critiques. Avec son gouvernement, il doit gérer une friche laissée par son prédécesseur et même au-delà : on ne retourne pas en quelques coups de bêche un champ aussi vaste, autant caillouteux. Confronté aux lobbys de toutes sortes, Hollande à reculé un peu sur tous les sujets, surtout ceux concernant les «possédants», et a déçu, même dans son camp. Et alors ? L’eau du bain est chaude depuis un moment. Sarkozy, pour sa part, y a mis un sérieux coup de lance-flamme en tenant chaque nouveau jour des propos plus qu’outranciers, divisant le pays en jetant à la vindicte populaire, le doigt tendu et le rictus aiguisé, telle ou telle catégorie de français, ou de moins français.
Oui, François Hollande est devenu la cause de tout. Quand l'économie va aussi mal, présidents et gouvernements sont rarement populaires. /"It's the economy, stupid."/ Et, bien sûr, le rôle de Sarkozy dans tout cela n'est pas à négliger. Mais…
Mais…
Concrètement la marge de manoeuvre économique est étroite, en raison de la folie austérautiste qui domine le débat. François Hollande a fait campagne, en partie, sur la possibilité de renverser le débat. La droite avait dit "on ne peut pas renégocier le traité". Euh. La droite a eu raison.
Le pays qui auraient pu aider, les plus touchés par l'austérité, l'Espagne, l'Italie, le Portugal, l'Irelande : tous ont des gouvernements pro-austérité. Une grande alliance anti-Merkel et anti-austérité n'a jamais pu voir le jour, chacun (la France y compris) avait trop peur de voir sa propre dette attaquer par les marchés. Je ne mentionne pas la Grèce, car personne n'a voulu défendre la Grèce de peur, telle une invasion de zombies, d'être contaminé par son aura d'insolvabilité.
Ensuite, Mario Draghi a parlé : l'euro ne doit pas être menacé, la BCE ne peut accueillir toute la dette de l'Europe, mais elle doit assumer sa part. Et aujourd'hui, comme hier, Standard & Poor's non obstant, qui se dégradent autant qu'ils dégradent la France, les taux des obligations vendues par la France ne bougent pas, et se rapprochent même de celles de l'Allemagne :
Les investisseurs devraient cependant rester confiants, et l’écart de taux entre la France et l’Allemagne, faible – il a même été réduit des deux tiers depuis l’élection de François Hollande !
Le spectre de taux de 8 % sur la dette française semble définitivement écarté, et pourtant rien ne bouge. Le gouvernement décide seulement la manière d'arriver à un budget suffisamment rigoureux. La seule véritable originalité a été de déplacer les sacrifices de l'austérité vers les contribuables. Sur le papier l'idée pourrait avoir du mérite, en obligeant les plus aisés à supporter l'austérité ; dans les faits, la fiscalité française n'est pas devenue tellement plus progressive. Laurent Mauduit, comme d'habitude, n'y va pas par quatre chemins :
S’il faut citer une mesure qui symbolise tout à la fois les reniements de François Hollande en même temps que l’injustice de sa politique économique et sociale, c’est assurément à la hausse de la TVA que l’on pense en premier.
En somme : il n'y avait pas beaucoup de marge de manoeuvre pour commencer ; Hollande et le gouvernement n'ont pas fait grand'chose pour l'élargir, et finalement le doute s'installe : cherchent-ils vraiment à occuper toute la marge dont ils disposent ?
Pourtant, je ne crois pas que le problème soit véritablement qu'Hollande et la bande ne soient pas « assez à gauche ». (Dans une situation comme la notre, le gauchisme de principe ne serait pas assez subtile non plus.)
En même temps, il y a une raison pour laquelle tout cela est la faute de François Hollande, et ce n'est pas juste parce qu'il est Président de la R. Il y a une contradiction au coeur de son approche, et de sa pensée.
Je m'explique. Le candidat de 2012 voulait « redresser les comptes de la France », en promettant l'équilibre budgétaire pour un avenir qui semble aujourd'hui ridiculement proche, tout en pratiquant une politique de relance. Evidemment, c'est cette dernière qui a dominé l'action du gouvernement, presque exclusivement. Car François Hollande a cru, et croit encore visiblement, à l'idée de l'austérité expansionniste, selon laquelle l'austérité (celle des dépenses ou celle des recettes), l'idée que grâce à un « fiscal multiplier » favorable (en dessous de 1), les coupes budgétaires seraient plus bénéfiques à l'économie que les dépenses étatiques. (J'en avais parlé l'année dernière déjà.)
Voici le mécanisme théorique de l'expansionary austerity :
The Expansionary Fiscal Contraction (EFC) hypothesis predicts that, under certain limited circumstances, a major reduction in government spending that changes future expectations about taxes and government spending will expand private consumption, resulting in overall economic expansion.
L'idée est simplement que des grosses réductions budgétaires (avec des conséquences économiques réelles – réellement réélles, même), vont modifier les attentes des acteurs économiques qui, pensant qu'il y a aura bientôt moins d'impôts, se mettent tout de suite à se bouger, à investir. Sarkozy, entre 2007 et 2008, aurait voulu provoquer un tel sursaut, et le bide que fut le paquet fiscal, même avant la crise de 2008, sera sûrement étudié par les économistes du futur s'interrogeant à nouveau sur l'expansionary austerity. Cette confiance en des baisses futures d'impôts, ça vous paraît léger comme moteur de relance en pleine récession ? Moi c'est pareil.
Le problème, c'est que François Hollande y a cru. Aussi.
Cinq ans plus tard, il est clair que cela n'a pas fonctionné.
Il pensait qu'en « redressant les comptes de la France », il faisait déjà de la relance. Il était pourtant bien placé pour savoir que cela ne pouvait pas marcher…
Donc, tout sera de sa faute : l'absence de relance et l'absence de rigueur.
Dans mon billet d'avant hier, j'ai mis en lien cet article sur l'Irlande. Voyons un peu plus près comment l'austérité se passe quand un pays veut vraiment tout faire pour 1) sauver ses banques en avalant leurs dettes 2) miser complètement sur l'austérité pour se sortir du trou.
Le titre, d'abord : "Irlande: satisfecit de la troïka qui relève quelques fragilités". Tout va bien, donc ? La Troïka est contente, et c'est ce qui compte le plus.
Il y a de quoi être satisfait. Car, d'après la Commission, la BCE et l'FMI : "le programme irlandais reste sur les rails dans un contexte de retour à la croissance". Car, en effet, pour la première fois depuis longtemps, le pays connaît une croissance de 0,4 % :
The economy grew by 0.4% in the second quarter of the year, although this was much weaker than many economists had forecast.
Economists had expected growth of at least 0.8%.
En traduisant de l'anglais : bof. Les spécialistes continuent de croire que toute cette douleur va enfin avoir ses effets. Quand une petite amélioration arrive (et c'est une série d'environ… un seul trimestre), ils ont tendance à déboucher le champagne un peu tôt.
Et ces fragilités ?
Malgré cet examen de passage réussi, la troïka met en garde contre plusieurs risques, à commencer par celui d'un dérapage budgétaire si les dépenses ne sont pas maîtrisées cette année, notamment dans le domaine de la santé.
Si l'austérité échoue maintenant, ce sera la faute aux dépenses. Surtout la santé. Donc pas question d'essayer d'améliorer la vie des gens qui ont doublement souffert : 1) de l'austérité 2) de la récession. Le chômage est à 13 %, contre à peine 4 % avant la crise.
Mais le chômage… c'est la faute des chômeurs en général, non ? Pas celle de la Troïka, qui pense, malgré tout, à ces pauvres gens :
Quant au chômage, "il a commencé à refluer, mais reste très élevé", souligne encore la troïka, qui incite les pouvoirs publics à mieux accompagner les chômeurs vers le marché du travail.
Car évidemment, il y a beaucoup de boulot dans ce pays dont la croissance vient d'être positif depuis une poignée de semaines. Le problème, c'est que les chômeurs ne le voient pas. Il faut les accompagner, c'est tout.
Et maintenant que cette question est règlé, il y a autre chose ?
Eh bien, selon l'article de la BBC que j'ai mis en lien plus haut, 17 % des propriétaires de maisons sont en difficulté pour continuer à rembourser leurs prêts.
Vous n'allez quand même pas me dire qu'à cause de la récession il pourrait y avoir de nouveaux problèmes pour les banques ?
Espérons que non, car l'Irlande veut une "ligne de crédit de précaution".
La question qui se pose désormais pour Dublin est celle de l'attribution d'une ligne de crédit de précaution, afin d'éviter toute turbulence lors de son retour sur les marchés mais le gouvernement irlandais pourrait décider de s'en passer. Ce sujet fera partie des discussions de l'Eurogroupe jeudi à Bruxelles.
Et puis cette croissance :
"L'économie irlandaise connaît une croissance supérieure à la moyenne de la zone euro depuis 2011", souligne le communiqué, qui énumère les améliorations constatées, qu'il s'agisse des exportations, du commerce de détail, de la confiance des consommateurs ou des créations d'emplois.
Une croissance supérieure à la moyenne… à la moyenne d'une Europe complètement aux abois, au bord de la déflation.
Autrement dit, si l'Europe avait suivi l'exemple rigoriste de l'Irlande, elle serait peut-être… au même point ?
Françoise Fressoz exprime la doxa économique :
Le candidat socialiste a fait campagne sur la réduction des déficits publics et il n'a pas tardé, une fois élu, à mettre en place le crédit d'impôt compétitivité, qui ne figurait pas dans ses propositions. Seulement, il a biaisé avec les Français. Il ne leur a pas tout dit de la gravité du mal. Il a espéré que le retour de la croissance qu'il chiffrait, lorsqu'il était candidat, à 2,5 % en 2013 (on sera en réalité plus proche de 0,2 %), lui donnerait un utile coup de main pour redresser le pays.
Ainsi, d'après Fressoz, Hollande
arrive au bout de l'impasse car cette flopée de prélèvements n'a pas servi à grand-chose : la note de la France est de nouveau dégradée et la Commission européenne ne lâche rien.
Pour que le déficit baisse, elle réclame des réformes de structures, des coupes dans les dépenses . Et si l'envie prenait au président de la République de l'envoyer paître, il ne le pourrait pas, car la dette atteint le seuil d'alerte (95 % du PIB l'an prochain) et interdit la moindre fantaisie.
Pour conclure :
C'est le mur de la réalité contre lequel ont buté nombre de dirigeants et qui place François Hollande face à un choix cornélien : reconnaître qu'il a péché par optimisme au début du quinquennat et réformer vigoureusement, ou poursuivre sur sa lancée : la promesse d'un lendemain meilleur qu'aucun économiste n'ose plus prédire tant la reprise s'annonce poussive à travers toute l'Europe .
L'austérité ne produit pas de croissance, au contraire. L'erreur de Hollande a été de croire, comme quasiment tout le monde d'ailleurs, que le fameux "redressement des comptes de la France", ou des comptes de l'Europe, stimulerait l'économie.
Cela fait cinq ans. L'austérité continue de plomber la Grèce, l'Espagne, l'Italie et même l'hyper-vertueuse Irlande. Soudain, on a peur de voir tomber l'Europe dans la déflation.
Pour reformuler : l'erreur de François Hollande n'est pas d'avoir été trop timide dans ses coupes, mais d'avoir cru, comme Merkel, la Commission, l'UMP et la BCE, que les coupes seraient porteuses de croissance, qu'en réduisant la part des Etats dans les économies de l'Europe, l'économie du continent allait connaître une grande expansion.
Fressoz a l'air de dire que la croissance de 0,2 % aurait pu être améliorée avec des coupes plus sévères. (Comme en Espagne ?) Le contraire semble bien plus probable : en étant plus agressifs, nous aurions pu atteindre peut-être 0,0 %, voire -2,0 %, ou, avec un peu de volonté, bien pire.
L'erreur de Hollande était de croire en la possibilité de pratiquer l'austérité et la relance en même temps, en étalant le "sérieux fiscal" côté recettes (impôts), sans trop, trop tailler dans les dépenses. Les impôts sont, au contraire, une autre forme d'austérité, une autre manière de sortir de l'argent de l'économie, freinant ainsi l'activité.
La seule chose qui peut excuser cette politique, c'est que les pouvoirs en place (Merkel, Commission) sont empêtrés dans la logique de l'austérité et n'auraient (jamais ?) accepté que la France suive la voie de Keynes.
Ce qui est bien quand on croit à l'austérité, c'est que quand tout va mal, c'est le signe que tout va bien. L'austérautiste s'en retrouve conforté dans sa croyance, et il a même le sentiment d'avoir affronté ses idées au monde réel. Tout va vraiment bien, donc.
Pour s'en convaincre, il suffit de regarder l'Espagne, comme cette jouraliste des Echos qui s'écris : "la sortie de crise n'est plus une utopie" :
Imperceptiblement, l'Espagne se redresse. Oui, le pays est toujours en récession et le sera l'année prochaine. Oui, le chômage atteint des sommets inimaginables, à 25 % de la population active. Oui, le déficit public est promis à un nouveau dérapage. Mais des signaux sont là, preuve, peut-être, que le pays a touché le fond et remonte, lentement, vers la surface.
Ouf. Les 25 % qui sont au chômage doivent sauter de joie. Voici pourquoi :
Premier signal : la « dévaluation interne ». Cette expression barbare désigne ce que tous les pays qui ont vu leur compétitivité s'éroder depuis l'entrée dans la zone euro sont condamnés à faire, faute de pouvoir dévaluer une monnaie qu'ils ne maîtrisent plus. Auparavant, l'Espagne pouvait redevenir compétitive du jour au lendemain, presque de façon indolore pour les salariés, en dévaluant la peseta. La dévaluation interne est bien plus douloureuse puisque les travailleurs la subissent à travers la baisse de leur salaire. La destruction massive d'emplois depuis 2008, puis une réforme visant à rendre plus flexible le marché du travail en début d'année ont fait baisser les coûts unitaires du travail. Résultat : « la main-d'oeuvre espagnole est actuellement 30 % moins chère que la moyenne de la zone euro, pour une productivité moindre de seulement 10 % », explique Ignacio de la Torre, économiste chez Arcano, une petite banque d'investissement espagnole.
Tout va bien donc : le travail en Espagne est "30 % moins chère que la moyenne de la zone euro", l'argent va venir !
Et les robinets sont déjà ouverts :
Forcément, un tel avantage comparatif finit par se voir. L'impressionnante progression des exportations espagnoles depuis 2008 (+17 % contre +12 % en Allemagne et +5 % en France) en est un exemple - la France en a fait les frais en perdant récemment le surplus commercial qu'elle avait avec l'Espagne. La semaine dernière, la décision de Renault de créer 1.300 emplois en Espagne - en échange d'un accord salarial prévoyant notamment une nouvelle grille pour les salaires d'embauche, démarrant à 72,5 % du salaire d'un agent qualifié - en est un autre. […] « L'Espagne peut aspirer à devenir l'usine de l'Europe », résume Ignacio de la Torre.
Et c'est là où l'on en vient au véritable problème européen, ou du moins l'un de ses aspects : ce qui bénéficie à l'Espagne nuit à la France. Soudain la France se retrouve déficitaire vis-à-vis de l'Espagne, et Renault préfère l'Espagne à l'Héxagone. Jusqu'au jour où les ouvriers français auront le bon sens d'aligner leurs salaires sur la nouvelle norme espagnole.
Si l'Espagne devient "l'usine de l'Europe", c'est d'autres pays ne vont plus l'être. Il va y avoir une concurrence entre les pays pour fournir les ouvriers les moins chers. Une nouvelle forme de dumping… C'est ce que je voulais dire l'autre jour quand je parlais d'agression économique entre voisins européens.
L'optimiste dira : oui, mais si toute cette compétitivité relance l'économie, ce sera bien pour tout le monde. Après une période certes un peu douloureuse… Vous reconnaissez la vision austérautiste. Le problème avec ce nouveau jeu, c'est que pour gagner, il faut appauvrir vos salariés. Pas seulement pour la courte période douloureuse, mais définitivement. Sinon la « dévaluation interne » ne marche plus. Et comme les autres pays de l'Union auront fait la même chose, il ne reste plus personne pour acheter ce que vous produisez.
L'Union Européenne avait démarré comme une zone de libre échange, mais elle risque de n'avoir d'autre horizon que l'exportation en dehors de l'Europe, vers des pays qui ont encore des consommateurs avec quelques sous.
Vraiment, tout va bien. Du moins, pour très bientôt. Ça va être super.
Dans Les Echos, Thibaut Madelin publie une analyse intitulé : "Les trois limites du si envié « modèle » allemand".
Les trois limites sont :
C'est le numéro 2 qui me préoccupe aujourd'hui, car sur la question de l'exportation, Thibaut Madelin ne va pas assez loin dans sa critique.
Que dit-il donc ?
Deuxième limite au « modèle allemand », sa dépendance par rapport aux exportations. Si celles-ci représentaient plus de 30 % du PIB de l'Allemagne au début des années 2000, leur proportion est aujourd'hui de plus de 50 %. Les entreprises allemandes ont profité de leurs gains de compétitivité, mais aussi de la croissance mondiale et du succès du made in Germany dans les pays émergents. Mais aujourd'hui cette croissance s'essouffle, en particulier en Europe, vers laquelle l'Allemagne assure 60 % de ses exportations. Et la demande domestique, elle, ne prend pas suffisamment vite le relais, malgré les hausses de salaires récentes et les quelques timides mesures de soutien à l'économie décidées par le gouvernement de la chancelière Angela Merkel.
Il faudrait d'abord enfoncer le clou sur la demande intérieure. Un jour, nos experts économiques finiront par comprendre que la paupérisation de masse peut parfois compromettre la demande intérieure. Ceux qui vivent dans la précarité permanente, allant de minijob en minijob sous-payés, semble-t-il, achètent moins de BMW 535i, Mercedes Classe A ou même de Porsche Cayenne. Un jour peut-être la science nous expliquera pourquoi ce segment de la population renonce à soutenir la croissance nationale.
En attendant, jettons un coup d'oeil sur la question des exportations. 60 % des exportations allemandes sont destinées aux pays de l'Europe. Pas étonnant alors que la dévaluation interne appliquées à ces pays se traduise par un ralentissements des exportations. Comme la Finlande et les Pays-bas, pourtant des pays vertueux en termes de déficits, et excédentaires en termes de balance commerciale, l'Allemagne entre en récession. Comme je l'ai expliqué ailleurs, l'exception allemande, son excédent commercial, était financé en réalité par la dette des pays cigales. En coupant les crédits à ces pays, l'Allemagne a coupé en même temps la source de sa propre richesse.
Et on arrive au vrai problème de l'Allemagne en tant que modèle. On ne peut pas nier que le modèle allemand a fonctionné pour l'Allemagne (si on ignore les pauvres, bien sûr). Pour les autres pays, c'est plus compliqué, pas seulement parce qu'ils n'ont pas la réputation du "Made in Germany", mais parce que tous les pays de l'Europe ne peuvent pas être excédentaires en même temps. Chacun veut être du côté des gagnants, mais les perdants sont nécessaires pour financer le succès des gagnants.
Autrement dit, à l'échelle européenne, ou la plupart des exportations des pays membres sont destinées à d'autres pays membres, la compétitivité, la dévaluation interne (qui ne marche que si un pays est encore plus "dévalué" que ses voisins) et l'austérité ne peuvent rien résoudre.
L'ensemble austérité/dévaluation interne/compétitivité reste une technique nationale, une tentative de dévancer les autres pays de l'Europe en termes de coût du travail. Ce sont presque des agressions économiques, dont le but est de tirer un avantage pour soi aux dépens des autres. Et comme ce sont aussi des tours de vis monétaires, la seule chose qui sera bientôt partagée par tous, c'est la récession.
Je parlais l'autre jour de la dévaluation interne, cette technique économique très avancée qui consiste à augmenter la compétivité d'un pays de l'Eurozone (qui ne peut pas pratiquer la dévaluation "externe" traditionnelle par le biais de sa monnaie) en appauvrissant sa population. Les gens sont plus pauvres, consomment moins – ce qui améliore la balance commerciale – et surtout travaillent pour beaucoup moins, ce qui permet de réduire les prix à l'exportation.
Dans la théorie, ce système doit aussi faire baisser les prix, rendant le tout moins douloureux pour les gens qui se trouvent dévalués. Malheureusement, il y a beaucoup de raisons de penser que les prix ne peuvent pas baisser, ou en tout cas pas autant que les salaires.
Prenons par exemple le secteur agricole, qui représente d'ailleurs une grosse part des exportations françaises. Si les salaires des consommateurs baissent en France, et que ceux-ci continuent à manifester leur désir de se nourrir, le marché va-t-il corriger les prix en fonction de cette nouvelle donne ? On peut penser que l'essor du discount alimentaire va déjà dans ce sens. Mais cela fait penser aussi que s'il y avait auparavant un peu de marge de manoeuvre du côté de la distribution, il y en a beaucoup moins aujourd'hui. On sait que la grande distribution fait tout ce qu'elle peut pour obliger ses fournisseurs à accepter de très mauvais prix. Et pour les agriculteurs eux-mêmes, ils sont, pour beaucoup, coincés entre leurs coûts, c'est-à-dire le prix du pétrole, et le prix de leurs produits, souvent fixés sur l'échelle internationale.
La dévaluation interne et la baisse des salaires en France ou même en Europe ne feront pas baisser le prix du pétrole. Et même si nos agriculteurs pouvaient produire pour moins cher, ou accepter moins de marge sur leurs produits en vivant plus frugalement, ils n'auraient aucun intérêt, quand même, à vendre en dessous du prix international. Le blé et le maïs ont beau être "made in France", leur prix ne l'est pas.
L'économie est internationale, mais votre salaire est bien local.
On revient donc au point essentiel : dans l'avenir super-compétitif du grand saut en avant que la Crise nous oblige à faire, il va falloir rester pauvres. Toute progression des salaires remettrait en cause la compétivité de la Nation. Votre employeur veut vous payer moins, mais pas parce qu'il est méchant, c'est pour votre bien, pour le bien de tout le monde.
L'austérité est présentée comme une sorte de cure provisoire, de la douleur au court terme, ou plutôt au moyen terme, qui sera récompensée plus tard. Sauf que dans la logique de la compétivité, la récompense sera pour les investisseurs. Ceux qui travaillent doivent rester profile bas et se satisfaire de la fiereté de contribuer à la réussite de l'économie, qui, si elle le pouvait, se débarasserait d'eux une fois pour toutes. Je le disais il y a quelques mois : l'économie est ailleurs. Nous n'intéressons plus les acteurs économiques en tant que consommateurs, nous ne sommes plus qu'un coût à réduire.
De même, le chômage doit rester élévé pour maintenir la pression sur les salaires et encourager la "souplesse" du marché du travail. Si jamais la récession se termine un jour, chômage et salaires ne bougeront pas. Il font partie du package.
Cette logique se voit également dans le vocabulaire de l'austérité. Nous avons vu que l'austérité, dont le but est de réduire le déficit, coûte cher en termes de déficits : les recettes des Etats baissent et les dépenses sociales augmentent. Comme l'austérité voit toujours les choses de bon côté, on nous explique que c'est normal : ce qui compte, c'est le déficit structurel, qui est, en gros, le déficit social. Pour les austérautistes, les déficits encourus à cause de l'austérité sont conjoncturels et sans importance ; ce sont les déficits structurels qui vont plomber l'avenir ; leur destruction mérite toutes les souffrances.
Comme nous sommes dans la métaphore des "finances publiques malades" auxquelles il faut appliquer un "traitement douloureux" avant d'obtenir une future "guérison", nous sommes invités à considérer l'austérité – le "traitement" – comme une phase provisoire, passage difficile qui sera récompensé. Pourtant, comme pour la dévaluation, la logique des déficits structurel montre bien que l'austérité doit être permanente. Réduire le déficit structurel futur veut dire : réduire définitivement les dépenses sociales.
Bien sûr, même à court terme, on s'aperçoit que l'austérité marche de moins en moins bien, comme en témoigne la récession actuelle qui se généralise en Europe. Plus grave encore, c'est le fait que la pensée "austérautiste" prépare un paysage socio-économique, et politique, dont les conséquences seront graves et définitives.
Cette fois c'est le tour du Royaume Uni d'annoncer des mauvais resultats :
Dans son traditionnel "discours d'automne", prononcé mercredi 5 décembre, le ministre des finances britannique, George Osborne, a fortement revu à la baisse les prévisions de croissance économique pour le Royaume-Uni en 2012.
Le gouvernement prévoit désormais une contraction de 0,1 % de l'économie cette année, contre une précédente prévision de + 0,8 %. La croissance en 2013 sera elle aussi plus morose que prévu, à 1,2 % de progression du PIB, contre + 2 % initialement calculés.
Cerise sur le gâteau, George Osborne a également indiqué que le pays ne tiendrait pas ses objectifs de réduction de dette à l'horizon 2015-2016, mais seulement en 2016-2017. De ce fait, l'austerité durera un an de plus que prévu, jusqu'en 2017-2018, a expliqué le chantre de la rigueur britannique.
Quand l'austérité ne marche pas, c'est qu'il faut attendre encore plus longtemps, ou bien appliquer encore plus d'austérité, ou même les deux en même temps : plus de rigueur et plus de temps.
Si les braves britanniques vont devoir supporter une année supplémentaire de rigueur, ce n'est pas la faute des dirigeants, bien entendu, mais celle des autres (des étrangers et on devine qu'il pense aux européens avec leur embêtante récession qui n'arrange pas les affaires du méritant Osborne).
"Nous sommes confrontés à une multitude de problèmes venant de l'étranger", a déclaré M. Osborne, citant les Etats-Unis et la zone euro, tout en assurant que "cela prend du temps mais (que) l'économie britannique est en train de guérir".
Mais… mais… la récession fait du mal, certes, mais… c'est un mal pour un bien. Plus on souffre maintenant, plus on sera contents quand ce sera fini.
C'est important de croire à l'austérité. Ainsi, quand les choses vont de plus en plus mal, vous restez optimiste, pensant que quand ça va mal, c'est que ça va bien, et que l'ampleur des souffrances présentes sera récompensée par celle des richesses à venir. Bientôt. Promis.
Vraiment.
Dans un an, maxi. Peut-être deux.
Qu'est-ce que la dévaluation interne ?
Quand la crise grecque était à l'un de ses paroxysmes, ou peut-être à chacun, on répétait que, sans l'euro, la Grèce aurait pu dévaluer sa monnaie. Cela reste l'une des clefs de la crise, et de l'avenir de l'Europe, ou du moins de l'Euro.
Commençons par la théorie :
Les économistes allemands ont inventé un nouveau concept économique: la "dévaluation interne". Faute de pouvoir dévaluer l'euro, cette "dévaluation interne" dans un pays des salaires et des prix doit lui permettre de relancer sa croissance. Il fallait y penser et c'est ce qu'à notamment fait Jörg Asmussen, ex-conseiller pour les affaires économiques d’Angela Merkel, maintenant membre du Conseil de la banque centrale européenne. Sa démonstration est simple :
La rigueur budgétaire ne suffit pas, parce qu'il y a plusieurs pays qui ont un problème de compétitivité accumulé depuis plus de 10 ans. Nous avons besoin d'une sorte de dévaluation interne, à commencer par les salaires."
Cette dévaluation des rémunérations a ainsi, à la demande de Bruxelles, été mise en œuvre. De 2010 et 2012, les salaires ont, en moyenne, baissé de plus de 20% en Grèce, de plus de 10% au Portugal et en Irlande. En Espagne ce recul est d'environ 6%.
La dévaluation interne doit contribuer à la compétivité. Chaque fois que l'euro baisse contre les autres grandes monnaies, les entreprises de l'Eurozone deviennent automatiquement plus compétitives. En "interne", elles paient les mêmes salaires, tandis qu'en "externe" (hors zone euro), leurs produits sont moins chers. Mais comme l'euro est conçu pour être très stable, et que la puissance de l'économie allemande tend à pousser l'euro vers le haut, ce gain de compétivité n'est plus une option, surtout pour des pays comme les PIIGS qui, il y a vingt ans, auraient pu s'en sortir par la dévaluation et la vente de leurs produits en Europe à un prix plus bas, ainsi que dans le reste du monde.
Dans ces cas, la valeur internationale du drachme, de la lire ou de la peseta baisse, mais les salariés de ces pays ne s'en aperçoivent presque pas. Le prix des produits importés augmentent, ce qui contribue encore plus à réduire les importations. La demande extérieure soutient les salaires. Tout le monde est content.
Voilà : on ne peut plus faire ça. Donc on se tourne vers la "dévaluation interne" : les salaires baissent, les gens deviennent pauvres et achètent moins d'iPhones et de télés plates. Les prix sont censés baisser aussi, mais comme l'inflation est très basse depuis très longtemps, et que l'euro et la BCE sont là pour empêcher qu'elle revienne, on peut se demander quelle marge existe sur les prix. Resultat, les gens sont plus pauvres qu'avant. Mais c'est déjà positif ! Ils coûtent moins cher, le marché du travail devient plus souple. Les importations baissent. Les entreprises qui vendent leurs produits à l'étranger profitent des salaires cassés. Celles en revanche qui vendent leurs produits à l'intérieur du pays crèvent, en revanche, mais ce n'est pas bien grave car souvent elles sont petites, ou moyennes.
Et pour fonctionner correctement, ce nouveau régime exige que les salaires restent bas. La dévaluation interne ne marche pas au coup par coup. Les salariés doivent rester définitivement plus pauvres. Sinon il pourrait y avoir de l'inflation en Allemagne, et évidemment, ça, personne ne veut avoir ça sur la conscience.
Ce qui est particulièrement bien avec la dévaluation interne, c'est justement cette absence d'inflation. En général, ceux qui ont de l'argent sont contre l'inflation car elle diminue la valeur réelle de leur fortune. Par contre, ceux qui sont endettés adorent l'inflation, car leur dette devient de plus en plus facile à rembourser. Or, la dévaluation traditionnelle était inflationnaire. Si vous êtes riche, vous vendez vos drachmes pour acheter des marks ou des francs suisses, avant la dévaluation. Pour vous protéger. Avec la dévaluation interne, vous avez déjà des marks. Si vous êtes endetté, la dévaluation "externe" arrangeait vos affaires et vous pouvez repartir plus tranquillement.
Dans le nouveau système, ceux qui ont de l'argent le gardent. Ceux qui travaillent le perdent (compétivité oblige). Les créditeurs sont contents, mais ceux qui ont des dettes ne le sont pas.
Tant pis pour eux, vous dites. C'était des losers, sûrement. Ils l'ont bien cherché. Sauf que, dans notre monde moderne, tout le monde est endetté, y compris les pays eux-mêmes, bien entendu. Les seuls qui ne sont pas véritablement endettés (et encore), ce sont nos amies les banques, qui, elles, tirent véritablement leur épingle du jeu.
Donc, tout le monde est définitivement plus pauvre. Mais ce n'est pas grave, car nous avons sauvé l'euro.
L'un des blogueurs de The Economist a publié ces courbes récemment, où l'on voit l'évolution des PIB de quatre grandes forces économiques qui ont toutes subi la ou les crise(s) de façon assez semblable (sauf pour le Japon, avec ses catastrophes naturels et nucléaires, et sa récession interminable qui était déjà bien en place).
Ce qui ressort, évidemment, c'est que les Etats-Unis sont les seuls à ne pas suivre la courbe moribonde de l'Europe (et du Japon), en évitant le deuxième dip de la récession qui est en train de s'abattre sur l'Europe.
Et The Economist semble dire, si j'ai bien suivi l'article avec sa métaphore automobile, que si les USA s'en sortent, c'est que le (ou les) conducteur(s) ont su conduire en douceur, en évitant les a-coups.
Pour nous, l'explication qui saute aux yeux, c'est que des quatre "pays", les Etats-Unis sont celui qui a conduit une politique de relance (presque 800 milliards de dollars), secourant au passage l'industrie automobile. Comme le Royaume Uni, ils ont également procédé à du quantitative easing, dont les effets sont moins clairs. En tout cas, des politiques parfaitement opposées à la rigueur d'Angela Merkel.
Personne n'a encore gagné une élection en promettant des actions qui vont nuire à son propre pays, mais qui feront avancer l'Europe. La stratégie industrielle et monetaire, dont j'ai parlé il y a deux ou trois jours, suit bien cette logique. Le flux de capitaux des pays de l'Eurozone vers l'Allemagne, et le flux correspondant de Mercedes, de Cayenne et d'Audi TT vers les pays qui s'endettent petit à petit aboutissent à cette situation où vous avez Dr. Merkel qui donne des leçons de compétitivité, alors que le fameux modèle allemand ne fonctionne plus si tous les pays de l'Europe font des excédents commerciaux. Le reste de l'Europe a deséspérement besoin d'un grand relâchement monétaire, une petite dévaluation de l'Euro (qui ferait bien plus pour la compétitivité que des bricolages avec la TVA), une dose d'inflation qui rendrait plus digérables les dettes ex-souveraines. L'Allemagne n'en a pas besoin, car elle bénéficie d'un influx permanent de liquidités, nos liquidités, celles de ces pays qui s'endettent pour, en autres, pouvoir acheter du Made in Germany. (Car les pays frappés par la crise, les PIIGS, sont surtout ceux qui ont les plus gros déficits commerciaux.)
Riche grâce à ce succès industriel (et d'autres avantages, liés justement à l'Euro : les déficits chez les grecs, les espagnols et les autres écartent tout risque que la monnaie allemande s'envole ; voir l'explication ici), l'Allemagne ne voit pas pourquoi on toucherait à un modèle qui marche si bien pour elle.
Jusqu'au jour où, à force d'exiger l'austérité chez les uns et les autres, les pays trop dépensiers de l'Eurozone arrêtent de dépenser. Et soudain, le modèle allemand commence à tousser. L'Europe entre en récession ; les riches et vertueux Pays-Bas (l'Allemagne est déficitaire vis-à-vis d'eux !) entrent en récession. Et la croissance de la puissante Allemagne, de la compétitive Allemagne, descend au même niveau que l'infréquentable France : 0,2 %.
Les expériences récentes l'ont montré : plutôt que de relancer les économies "asphyxiées par la dette", les cures d'austérité font exploser les déficits tout en freinant l'économie. Et l'Allemagne est sur le point de découvrir ce qu'est la vie sans ses frivoles voisins si gourmands en BMW.
Faute à l'Europe, donc, comme d'habitude ? Non, à mon avis. Merkel, Sarkozy, Draghi, et même Hollande (mais avec des bémols et des notes de bas page) sont convaincus que si l'austérité ne marche pas, c'est qu'il en faut encore davantage. Le vrai problème (et peut-être la solution) est, semble-t-il, dans l'usage que fait l'Allemagne de l'Europe. Si l'Union monétaire et le Marché unique étaient, respectivement, vraiment une Union et vraiment unique, l'enrichissement ne serait pas forcément à sens unique. À ce titre, on cite assez souvent les états des Etats-Unis. La Californie peut être excédentaire vis-à-vis de l'Alabama sans que cela conduise la Californie à exiger l'austérité pour l'Alabama, et sans que l'Alabama soit menacé de faillite. La dette existe à un niveau supérieur et profite à tout le monde. Oui, je pense aux eurobonds ou aux euro-obligations, mais plus généralement à l'idée que la structure même de l'Europe et de l'Euro ne devrait pas empêcher une politique de relance.
Le problème européen serait alors une intégration insuffisante, où chaque pays ne voit en l'Europe que l'occasion de retirer un avantage financier ou électoral bien précis.
En 2011, les exportations françaises vers l'Allemagne totalisaient 69,1 Md€. Les importations dans l'autre sens s'élévaient à 85,2 Md€. La France était donc déficitaire de 16,1 Md€. En gros, la France domine l'Allemagne en produits agricoles et energétiques, tandis les voisins teutons nous dominent par l'automobile, l'électronique, l'informatique, produits chimiques, et même pharmaceutiques, domaine où la France l'avantage jusqu'en 2003.
Et pourtant, sur l'échelle européenne, la France est une grosse économie. La quasi-totalité (sauf les Pays-bas) des pays de l'Eurozone sont déficitaires vis-à-vis de l'Allemagne :
Les pays de l’UE contribuent à ¾ du solde commercial positif de l’Allemagne ; les pays de la zone euro à la moitié.
Je me souviens d'un article de journal que je ne retrouverai pas, où un Grec disait : "ils nous vendent des BMW, nous leurs vendons des tomates".
Angela Merkel a résisté depuis le début à toute suggestion d'euro-obligations. François Hollande avait promis de remettre la mutualisation de la dette sur la table, ce qu'il a fait, mais Merkel l'a re-enlevé aussitôt. Face à la crise Grecque, la crise Italienne, Espagnole, Portugaise, Irlandaise, l'Allemagne a toujours dit que ce n'était pas à elle de payer pour ces pays trop dépensiers.
(Nicolas Sarkozy disait à ses sujets qu'il fallait que la France soit plus comme l'Allemagne. Appauvrir la population est une technique intéressante pour réduire les importations, tout en baissant les salaires et les cotisations. Les gens se passent d'iPhones, de télés plates et d'Audi TT, ils travaillent pour moins, ils claquent tout en alimentaire, secteur où la France est encore forte. Tout bénef' pour les exportations et la balance commerciale.)
Peu à peu les choses deviennent plus claires. Si l'Allemagne bloque toute politique monétaire expansioniste et inflationniste, c'est qu'elle bénéficie déjà d'une expansion permanente, son excédent commercial. A cet influx de liquidités, qui va directement dans l'économie et non dans les banques, correspond des déficits symétriques dans les autres pays de l'Union.
Pascal Ordonneau écrivait dans les Echos un article qui intitulé "Quand l’Allemagne siphonne les liquidités de ses voisins…." :
Au début de la Crise de 2008, Angela Merkel, n’était pas du tout enthousiaste pour lancer l’Allemagne dans une politique de relance budgétaire. Elle n’en avait pas besoin ! Il lui suffisait que les autres pays se lancent dans une relance active, quitte à s’endetter. Alors, mécaniquement, par le jeu des importations, c'est-à-dire par le jeu d’une demande adressée par ses voisins associés aux entreprises allemandes, l’activité industrielle de l’Allemagne serait stimulée mieux encore qu’elle ne l’aurait été si ses finances publiques avaient été mises à contribution !
Voilà : les autres relancent, et c'est l'Allemagne qui est relancée !
La réussite commerciale et industrielle n'est pas, à proprement parler, une "faute" de la part de l'Allemagne. Ils produisent des produits désirés. N'importe quel pays voudrait faire la même chose, s'il en était capable.
Là où cela cloche, c'est l'Union commercial et surtout monétaire. Le pouvoir économique de l'Allemagne lui donne la possibilité de refuser toute évolution de l'Europe qui bénéficierait non au plus puissant, mais aux pays qui s'endettent pour avoir la possibilité de contribuer à la richesse du pays le plus fort.
L'autre jour je m'étais moqué d'un apprenti libéral 2.0 qui disait qu'il suffisait, pour s'en sortir, que la France se transforme en Suisse. Le Parisien libéral m'a répondu par un billet expliquant que la France ne saurait devenir une seule Suisse, mais devait devenir plein de petites Suisses,
Il se trouve qu'il y a à peu près 8.000.000 Suisses en Suisse, contre 65.000.000 Français en France. omelette16oeufs oublie qu'il y a 12 millions de Franciliens, 6 millions de Rhone Alpins, 5 millions de Provenceaux, 4 millions de Chtis, etc.
Mais ce gentil Parisen libéral oublie aussi que le monde n'a pas besoin d'autant de paradis fiscaux. Si la vraie Suisse peut accueillir un quart de l'argent offshore de la planète, je ne vois pas comment les Chtis vont pouvoir la concurrencer, du moins suffisamment pour soutenir la monnaie Chti et garantir que le secteur bancaire fait enfler le PIB Chti.
Quel rapport ? La France voudrait devenir comme l'Allemagne, ne voit d'autre solution que de "redresser" son industrie et répliquer à l'invasion d'Audi TT par une flotte équivalente de Mégane Renault Sport. Malheureusement, comme pour la Suisse, la solution n'est pas de faire de chaque pays de l'Europe une nouvelle Allemagne. Car il faut des perdants dans le système allemand. Il faut des pays qui s'endettent pour acheter des Mercedes, des appareils Siemens et des pesticides Bayer. Tout le monde ne peut pas être excedentaire. Et ce serait la ruine de l'Allemagne.
Il va falloir trouver autre chose.
Ce blog s'arrête de temps en temps, parfois pour une semaine ou deux, parfois pour des périodes plus longues. C'est comme ça.
Cette fois, depuis au moins quinze jours, je démarre des billets que je n'ai pas le temps de finir. Le billet du retour est toujours très difficile, car vous avez trop de choses à dire pour les caser dans un petit texte et dans une petit temps de rédaction.
Plutôt que d'écrire, on lit des choses intéressantes, et pour finir on a encore plus de choses à dire, ce qui rend le processus encore plus difficile.
Donc, pour aller vite, je vais essayer de synthétiser, sans argumenter.
La vraie question de la période ouverte en 2008 et qui se terminera, d'une manière ou d'une autre, peut-être autour de 2018 sera celle de l'austérité. Sur les questions économiques, je commence à penser que les distinctions droite-gauche vont s'estomper devant celle qui sépare les pro- et les anti- austérité.
Pour l'instant nous sommes dans une grande expérience macroéconomique qui va tester la croyance dominante, selon laquelle les dettes publiques nuisent à l'économie, et que celle-ci doit être "guérie" pour repartir. On sait que cela n'a plus ou moins jamais fonctionné ainsi, et que bien souvent les périodes de prospérité ont suivi des séquences très dépensières. Mais, pour l'instant, la plupart des participants au grand jeu, sur l'échelle mondiale, croient qu'il est ainis. Austérité, puis prospérité. Souffrir pour avoir la récompense. C'est chrétien.
Personne n'a dit combien de temps doit durer l'expérience, ni jusqu'à quel niveau de récession ou de dépression il faut aller pour obtenir les bienfaits de cette grande épuration. Je disais 2018 parce que je pense que, d'ici là, soit l'austérité aura été rejetée, sans doute par des mouvements populaires, soit les économies de l'Europe seront définitivement détraquées et que la question ne se posera plus.
Je disais donc que les questions gauche-droite doivent être réévaluées. Je commence (et c'est dur, quand on a un coeur gauchiste) à voir les choses ainsi :
Autrement dit : il faut relancer les déficits. Taxer moins et dépenser plus. Le problème, c'est que cela ne marchera pas si toute l'Europe ne s'y met pas. Et elle ne s'y mettra pas.
L'Europe ne s'y mettra pas parce que nous, les "gens", les marchés financiers, les commentateurs à la télé, les dirigeants, les dirigés, les administrations, les administrés, sont convaincus que le problème, c'est la dette, et qu'une récession, même longue comme celle du Japon, sera toujours préférable à des déficits.
Il paraît qu'en appliquant le libéralisme à la France, la France deviendrait une sorte de Suisse. La Suisse est un pays "fit", un pays qui fait du fitness (en salle, car les hivers sont rudes). Les libéraux sont fits aussi, car on est responsable pour son corps. C'est une question de volonté. Et cela leur évite d'avoir à se soucier de ce qu'ils deviendraient s'ils n'avaient pas l'assurance maladie de la Sécurité Sociale, car comme ils sont "fits", ils résistent aux maladies, au vieillissement et souvent au décès.
Mais je digresse.
Le problème que nous avons devant nous, c'est comment faire de la France une Suisse.
D'aucuns suggéreront, non sans raison, que les Suisses sont moins nombreux que les Français. Il se trouve qu'il y a à peu près 8.000.000 Suisses en Suisse, contre 65.000.000 Français en France. Il se trouve que nous avons même un peu plus de 8.000.000 pauvres, qui pourraient donc constituer à eux seuls leur propre Suisse. Ce serait bien sûr le contraire d'une Suisse "fitte". En revanche, si on les enlève de notre future Suisse, on arrive quand même à 57.000.000 non-pauvres. Pas terrible, mais c'est un début.
En cherchant un peu, on découvre qu'en France, les ouvriers et employés pèsent pour 50 % dans la population. Ce ne seront jamais des libéraux, car ils passent leurs temps à travailler pour quelqu'un d'autre. Ils ne seront jamais des créateurs d'entreprise. Par contre, quand ils ont un petit rhume ou quand ils arrivent à l'âge de la retraite, vous pouvez être sûr qu'ils sont là pour réclamer leur "dû".
Pour ces raisons, nous les excluons de notre Suisse. En se dégraissant ainsi, nous arrivons à environ 32.000.000, soit quatre fois la vraie Suisse.
Je sens néanmoins que vous êtes en train de vous dire : "c'est bien, mais il ne suffit pas d'être moins nombreux pour être suisses". Et vous avez raison. Il manque des banques.
Car dans le PIB de la Suisse, les banques font leur part, avec 14 %, tandis que dans notre France obèse, les banques ne représentent même pas 3 % du PIB. On veut bien être "fit", mais il ne s'agit pas pour autant de réduire le PIB juste pour dire que les banques ont une plus grosse part. Et avec l'explosion des créations d'entreprises hi-tech, le PIB, délesté des profiteurs, va de toute façon grimper à des sommets alpins.
Il y a donc des mesures urgentissimes à prendre. Tout d'abord : remonter dans le classement du blanchiment d'argent sale. La vraie Suisse squatte le haut du tableau depuis lontemps. Et ce n'est pas le Monaco, avec sa pitoyable 64e place, qui va nous sortir d'affaire. Car si la Suisse réelle arrive à attirer un quart des placements offshore, c'est que les Suisses sont très forts, et très fits. Dans notre Suisse, il va falloir vraiment réfléchir à comment faire, pour arriver dans les trois premiers, donc en déplaçant le Luxembourg ou les Iles Caïman.
L'autre avantage de ce nouveau créneau bancaire, c'est que si jamais il devait y avoir une crise bancaire internationale qui serait dûe à l'avarice du secteur privé et à l'arrivée d'une tendance toute nouvelle chez les financiers d'essayer de tricher dès que la possibilité se présente, une crise donc complètement différente de celle que nous subissons actuellement, due aux retraités, aux chômeurs et aux malades, alors le fait d'avoir des banques ultra solides pourrait être d'un grand secours. Hypothétiquement parlant, bien sûr.
Les commentateurs du billet cité au début, et auquel ce billet doit toute son inspiration, ont souligné que le fait d'avoir les protestants du pays fut une très bonne pour la Suisse et une très mauvaise pour le libéralisme de la France. Nous avons décidé que notre Suisse, l'Edit de Nantes n'aura pas été évoqué du tout. Les protestants sont donc restés, retroactivement, chez nous et ont, rétroactivement, prospéré.
De même, nous avons décidé de supprimer plusieurs autres événements bien trop étatiques de notre passé. Par exemple :
Il reste quelques détails à règler : sortir de l'Euro, de l'Europe, de l'OTAN, établir une tradition de secret bancaire datant du Moyen-Age. Facile.
Nous pensons d'ailleurs que d'autres pays pourraient faire pareil. Nous suggérons à l'Espagne d'être comme le Bahrein ; l'Italie pourrait imiter le Singapour, et l'Irelande le Hong Kong.
Il y a, depuis hier soir, une petite échauffourée dans la blogosphère, entre les Leftblogs et la société Ebuzzing, responsable du classement des blogs politiques, l'ancien classement Wikio. Est en cause la présence dans le classement d'un non-blog, accessoirement d'extrême droite. En effet, fdesouche ne fait que de publier des liens vers des articles de presse pouvant conforter son xénophobe dans leurs opinions. Si je trouve parfaitement normal que des blogs d'extrême droite aient leur place dans la blogosphère (et il y en a : celui de Rioufol par exemple), un aggrégateur de liens n'est pas un blog, et en laissant ses commentateurs faire le sale boulot, cette machine communautaire fait entrer, de façon détournée et sans possiblité de vrai débat de blog à blog, une énorme quantité de n'importe quoi haineux.
Mais l'échauffourée en question ne concerne pas directement fdesouche, mais la société Ebuzzing.
Quelques réactions des confrères :
Et ma réaction ?
En somme, eBuzzing maintient un non-blog d'extrême droite contre toute logique. C'est une décision politique.
Comme le soulignent bien les confrères que j'ai cités, il semblerait que l'algorithme du classement aurait été modifié afin de favoriser une représentation plus équilibré de la blogosphère politique. Autrement, casser l'influence des Leftblogs. La logique étant qu'avec l'élection de Hollande, c'était le tour de la droite d'apprendre à bloguer.
Et là, je pourrais presque être d'accord, tellement les algorithmes de ce type, et l'idée même d'un classement par "influences" sont arbritraires. Le problème, c'est que la seule explication que je trouve pour le maintien d'un site comme fdesouche, c'est que quelqu'un veut préserver artificiellement un équilibre préconçu (non algorithmique). Il fallait des xénophobes, et comme Rioufol ne suffisait pas, on laisse une sorte d'agrégateur/forum.
Pour moi donc, le classement est cassé, encore plus qu'avant. Une orientation politique et publicitaire s'infiltre dans les resultats. Depuis des années, ce blog, par exemple, est considéré comme "multithématique" et non "politique". Quand on regarde les thèmes que je traite, on se pose des questions : "économie", "xénophobie", "nicolas sarkozy", "françois hollande"… Des doutes sur la qualité du travail.
Ou est-ce simplement parce que depuis belle lurette je n'affiche plus le widget Wikio ou eBuzzing, c'est-à-dire que je ne participe plus au petit jeu ? Cela m'est égal. Complètement égal. Je ne suis pas le "380e blog multithématique", parce qu'aucun mot dans cette expression n'a de sens. 380e : pourquoi ? "multithématique" : ridicule. "Blog" : fdesouche n'est pas un blog.
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Donc il faut ignorer le classement. Il est arbitraire, et désormais orienté politiquement.
Je ne pars pas, car je n'y suis pas. Le classement n'est un classement que si on y croit. Je n'y crois plus. C'est un peu comme les Mormons qui baptisent nos ancêtres. Si vous n'y croyez pas à ces baptèmes, leur paperasse n'aura pas beaucoup d'impact sur votre vie.
C'était le 6 septembre. Mario Draghi a annoncé un soutien "illimité" aux pays de l'eurozone menacés par leurs dettes. Le mot "illimité" a produit un certain effet et a servi à rassurer les requins. Les taux payés par l'Espagne et l'Italie baissent aussitôt. Tout le monde est content. L'euro est sauvé !
Pourtant, un peu comme avec les forfaits téléphoniques illimités, il y a des clauses en bas du contrat qu'il faut lire. Et la condition essentielle du soutien illimité de la BCE oblige le pays demandeur d'aide de se soumettre aux "réformes" préconisées par la BCE. Pour avoir une idée de ce à quoi ressemblent de telles réformes, je vous invite de regarder un peu la Grèce.
Un mois plus tard, les choses semblent s'être calmées. L'Italie emprunte à des taux raisonnables, malgré une récession dure et des déficits qui explosent, malgré ou plutôt à cause de plusieurs politiques d'austérité et de libéralisation.
"L'intensification de la récession est en train de limiter les mesures que peut prendre l'Etat espagnol", écrit l'agence dans un communiqué. "La hausse du chômage et les restrictions budgétaires sont susceptibles d'intensifier le mécontentement social et de contribuer aux fictions existantes entre le gouvernement fédéral espagnol et ceux des régions", ajoute le texte.
C'est sans doute lucide, mais guère encourageant. S&P reconnaît que l'Espagne ne peut rien faire, la situation sociale étant déjà pire que chaude. Pire encore, les autres pays de l'Europe seraient réticents de prendre en charge la dette des banques espagnoles.
L'agence […] a des "doutes sur l'engagement de certains gouvernements de la zone euro à mutualiser les coûts de la recapitalisation des banques espagnoles"
La situation en Grèce a montré qu'il fallait attendre le plus longtemps possible pour sauver les pays en difficulté, sans quoi on passe à côté de ces crises qui permettent à l'Europe de se définir.
Donc, actuellement, le problème c'est que l'Espagne pourrait demander de l'aide au BCE, mais ne le fait pas, parce que, évidemment, le pays est déjà sur le point d'exploser et que plusieurs tours de vis supplémentaires pour satisfaire la BCE ne vont pas améliorer particulièrement la situation. Donc l'Espagne traîne des pieds, joue la montre, mettant ainsi en cause le principe même du soutien illimité.
D'où la crainte d'une nouvelle envolée des taux :
The ECB’s commitment to do “whatever it takes” to counter perceptions of a eurozone break-up by buying a potentially unlimited amount of government debt has dented Spanish borrowing costs in recent months, on the expectation that Madrid will sign up to the commitments on economic reforms and fiscal retrenchment that are needed to trigger bond buying by the central bank. However, officials fear that if Spain continues to refuse help and the ECB remains on the sidelines, yields on peripheral debt will once again rise.
Si, politiquement, il est impossible pour un pays (et pas seulement l'Espagne, mais n'importe quel pays qui se retrouve aux abois) de demander l'aide à la BCE, c'est comme si la promesse de soutien "illimité" n'a jamais existé.
En même temps, Draghi réaffirme que cela ne saurait être autrement : la BCE ne fera jamais tourner la plance à billets :
"La BCE ne peut s'engager dans du financement monétaire et ne peut pas remplacer l'action des Etats membres (de la zone euro). Il est trop facile de penser que la BCE peut remplacer l'action des gouvernements ou leur manque d'action en imprimant de la monnaie. Cela n'arrivera pas", a dit Mario Draghi lors de son audition devant la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen
Concrètement, nous voilà au point de départ, à nouveau : tout doit être réglé par l'austérité, et c'est tout. Préparons nous pour un nouveau chapitre dans la Crise de la Dette, qui finira, dans six mois (donc juin 2013 à peu près), par une nouvelle mesure qui aura des allures définitives, mais qui s'avérera à son tour insuffisante.
Mediapart publie une série de débats sur le TSCG. Voici un extrait de celui entre Pierre Laurent (PCF) et Karine Berger (PS) :
Pierre Laurent. L’engagement de François Hollande, c’est même 0 % de déficit en 2017.
Karine Berger. 3 % de déficit pour la France, c’est le moment où la dette arrête d’augmenter toute seule. Pour nous-mêmes, nos enfants, la capacité de mettre en place des politiques de gauche dans ce pays un jour de manière forte, avec des marges de manœuvre et des progrès sociaux, nous devons d’abord stopper l’emballement de la dette.
La réponse de Karine Berger est sans doute la défense la plus claire et la plus cohérente possible de la position du Président et du gouvernement, à la fois en termes de perspective économique et garanties politiques à gauche.
Être "l'ennemi de la finance" voudrait dire : libérer la France des financiers en réduisant la dette. Et le grand redressement des comptes publics ne serait que la prélude à une nouvelle politique de gauche, à mettre en place sans doute pendant un éventuel second quinquennat de François Hollande.
On dit qu'il manque à Hollande "un grand récit" à raconter à la France. Celui-là pourrait jouer ce rôle.
Ce serait un beau récit, une belle histoire. Et pourtant, je n'y crois pas.
Le problème n'est pas forcément l'intention. Cette stratégie à long terme qui serait admirable, même, si la grande purge budgétaire permettait d'aboutir à un avenir plus certain, où l'Etat retrouverait ses marges de manoeuvre sociales et pourrait commander plus de respect vis-à-vis du monde de la finance.
Le problème est d'y arriver. L'essence du récit, c'est la douleur d'abord, le bonheur après. Il faut souffrir maintenant, vous allez être récompensé après. C'est un peu le message de Merkel, qui a néanmoins une autre finalité politique.
Le problème, c'est que l'austérité ne permet pas de redresser les comptes publics. En Italie, l'austérité produit encore plus de récession, qui fait augmenter encore plus les déficits. L'austérité généralisée en Europe va être encore pire.
Or, pendant la campagne, Hollande était plus lucide. Il a dit clairement que sans croissance, le retour à l'équilibre était impossible. Cela paraissait logique, et les expériences de l'Italie et de l'Espagne confirment cette analyse, qui date de janvier 2012.
Le risque, aujourd'hui, est que deux, trois, quatre, cinq années d'austérité ne donnent rien, ni en termes de croissance, ni en termes d'équilibre budgétaire, exactement comme François Hollande, candidat, aurait prédit. Tout le monde aura souffert, mais pour rien.
Bien sûr, la croissance ne peut pas être seulement française. J'en suis bien conscient. L'austérité européenne risquerait d'absorber rapidement les largesses de l'Etat. C'est un problème. On peut aussi avoir des doutes sur l'efficacité d'une relance par la consommation, puisque les télés plates viennent toutes de l'étranger. C'est bon pour la Fnac, mais pas pour Alsthom ou pour le menuisier du coin.
Ce n'est pas facile. Mais ce n'est pas une raison non plus de croire aveuglement aux bienfaits de l'austérité.
Enfin, si. Tu m'auras. Tout est parti pour.
La semaine dernière, j'ai parlé de l'Italie, où la politique d'austérité a permis de doper la récession tout en creusant encore plus les déficits. (Tout va bien, finalement, car les nouveaux déficits, dûs à l'austérité, ne sont pas de la même nature que les anciens.)
Selon Angela Merkel (et bien d'autres), il faut que ça fasse mal. C'est en se faisant mal qu'on se fait du bien. On peut aussi se faire du bien en faisant mal aux autres. Les deux vont ensemble.
François Hollande, Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac restent donc à l'intérieur du consensus austère.
Cahuzac a dit hier :
Est-ce que c’est agréable de lever l’impôt ? Non. Mais, à court terme, l’endettement public crée la récession
J'aimerai savoir précisément pourquoi il pense que l'endettement public crée la récession. L'exemple italien, comme les exemples espagnol et grec, montrent qu'à court terme, l'austérité crée la récession. Le mécanisme est simple : l'austérité enlève de l'argent de l'économie et donc la ralentit l'activité. L'endettement peut provoquer une hausse des taux d'intérêt payés pour financer la dette, créant les spirales qu'on a vues chez les voisins. Mais cela n'a pas encore eu lieu en France et n'explique pas la récession.
Et puis, il n'est pas nécessaire de chercher l'explication de la récession : la (ou les) crise(s) financière qui n'étaient pas provoquée(s) par les budgets des Etats de l'Union Européenne.
Il semble, hélas, que le Parti Socialiste a intégré totalement la doctrine qui, il n'y a pas si longtemps, étaient réservée à la droite libérale, l'ex-UDF en particulier. Un exemple parmi d'autres : Catherine Trautmann, dans un débat avec Barbara Romagnan, chez Mediapart :
Qu’on ait des règles de résorption du déficit et de résolution de la dette, c’est la condition indispensable d’assainissement de nos économies. La France doit redresser ses comptes et faire face à ses obligations de contributeur.
Nous avons internalisé la lubie anti-keynésienne. Les dettes souveraines ne sont pas la cause de la crise, mais la crise révèle une faiblesse dans la structure de l'union monétaire, qui fait que désormais il n'y a plus qu'une seule manette sur laquelle les Etats peuvent tirer : le dosage de l'austérité. Tout le reste est bloqué : relâchement monétaire, taux d'intérêt, inflation.
En regardant à l'extérieur de l'eurozone, il est plus facile de trouver des analyses pertinente de la situation. Et pas chez des économistes chevelus élevant des chèvres à mi-temps.
Voici un édito fascinant d'Ambrose Evans-Pritchard, journaliste économique du Telegraph, qui s'intitule : "Multiplying Europe's fiscal suicide (technical)". Je suis tombé dessus en lisant le blog d'un libéral anglais (au sens français) qui écrit pour Forbes (pas tellement chevelus non plus).
La base de l'argument sur le "suicide fiscal" est le thème, qui devrait être familier maintenant, selon lequel les politiques d'austérité, couplé au contexte international moribond, va simplement faire en sorte que les pays de l'Europe vont se couler tous les uns les autres. (Et comme l'austérité initiale ne suffira pas de la récession, mais va nous y enfoncer, il faudra aller plus loin dans l'austérité afin de s'enfoncer encore davantage.)
Ce qui est nouveau dans l'analyse de Evans-Pritchard, c'est que, d'après lui en tout cas, les calculs actuels, qui prévoient une reprise si seulement les états réduisent un peu leur voilure, sont basés sur des formules de l'IMF qui s'appliquent à des pays où l'inflation et la dévaluation sont possibles.
Le calcul en question concerne le fiscal multiplier – "effet multiplicateur" en français. D'après Wikipédia :
la variation du montant d'une dépense peut avoir un effet multiplicateur sur le revenu national ou l'activité économique générale.
C'est la ratio entre une augmentation ou une baisse de dépense publique, et l'augmentation ou la baisse du PIB qui en résulte.
Dans le cas précis, il s'agit de déterminer l'effet d'une réduction des dépenses. Evans-Pritchard explique :
The Teuto-Calvinists believe – or profess to believe, since much of their dogma is national self-interest dressed up as theory – that the fiscal multiplier is around 0.5.
That is to say, fiscal retrenchment worth 1pc of GDP will cut output by half as much, or around 0.5pc over two years. There is pain, but at least there is gain.
This is based on the IMF's analysis of fiscal crises over the decades.
Cela veut dire, si j'ai bien compris, qu'une baisse de 1 % en dépenses, ne provoque qu'une réduction de 0,5 % du PIB. C'est donc rentable, car on gagne plus en réduction qu'on ne perd en PIB. "There is pain, but at least there is gain."
C'est la théorie qui justifie l'idée selon laquelle un redressement des comptes aboutit à une reprise de l'économie.
Le problème, c'est jusqu'à présent, cela ne se passe pas comme ça :
Well, it has not worked out like that. Ireland has contracted at nearly seven times the speed, Spain four times, and Greece three times.
Donc, si j'ai compris, pour 1 % de baisse des dépenses en Irelande, l'économie s'est contractée de 7 %. 4 % en Espagne et 3 % en Grèce.
Quel est le problème, donc ?
So what went wrong? It is blindingly obvious. The IMF data […] is based on past cases where individual countries were able to claw their way out of trouble by exporting to a healthy global economy, usually by devaluing first and often by slashing interest rates as well.
Greece, Spain and Italy cannot devalue. Most of Europe is tightening fiscal policy in lockstep. They are all dragging each other down. It is synchronised policy suicide.
Le principe d'un effet multiplicateur positif vient des cas de pays qui pouvaient contrôler leur monnaie, leurs taux d'intérêt, et exporter vers une économie mondiale en bonne santé. Pour la Grèce, l'Espagne, l'Italie… et la France, aucune de ces conditions n'est présente. Pire encore, les exportations en Europe sont majoritairement vers d'autres pays européens. Comme ils sont tous convaincus que l'austérité va les sauver, ils sont tous plus ou moins en récession, ou vont l'être bientôt, ce qui rend de moins en moins probable un sauvetage par l'exportation. Même en Chine, les exportations baissent.
Nous avons décidé – poussés bien sûr par les marchés financiers -- que l'austérité va nous sauver. C'est devenu presque une religion. Il faut y croire, sinon vous êtes devant la perspective une récession de plus en plus dure et de plus en plus longue.
Une petite note sur les "#geonpi", qui s'avère une intoxication politique de grand niveau.
D'abord, il faut absolument lire ce billet excellent, qui écrasent les arguments larmoyants des Pigeons, et remet de l'ordre dans les chiffres. Par exemple :
En ajoutant les prélèvements sociaux et la CSG (qui sera déductible, donc un peu moins forte), on devrait arriver à un peu moins de 51%. C’est certes beaucoup, mais ce n’est pas pas 60%. Pour arriver à cette imposition à 51%, il aura fallu que notre entrepreneur gagne 36 fois le revenu annuel du foyer médian français. Ça commence à faire pas mal.
Ou encore :
Quand je parle de 36x le revenu du foyer médian, pour être imposé au taux pré-cité, ce doit être la moyenne du gain annuel de notre investisseur, pas une activité ponctuelle. Pour notre entrepreneur qui garde ses titres 12 ans et qui ne fait pas juste un coup financier, il aura gagné 432 fois le revenu annuel du foyer médian, soit l’équivalent de 10 vies de travail d’un foyer median complet.
Ensuite, Juan explose l'imposture idéologique :
Ils ont d'abord placé le minuscule relèvement des cotisations sociales des autoentrepreneurs en tête de gondole de leur revendication. Ces gens-là s'y connaissent en marketing. Pour défendre la rente, la plus-value ou le dividende, il vaut mieux d'abord invoquer le travailleur pauvre. La moitié des autoentrepreneurs ne génère aucun revenu. La démagogie est sans limite … et contre-productive.
Effectivement, c'est très parlant de montrer de valeureux petits gars qui veulent un sous de plus, pour protéger les intérêts du grand capital. Les commentaires qu'on voit un peu partout montrent que les gens dans le brouillard le plus total sur les deux questions, celle des autopreneurs comme celle des plus-values. Bientôt vous allez que les AE passent dans tranche des 75 % et que tous leurs revenus vont être chez Chavez.
Au delà de la manipulation, on constate que "les gens" veulent être des victimes des méchants socialistes.
Le titre du papier de L'Expansion est plaisant : "Hausse des cotisations: les auto-entrepreneurs crient à l'assassinat". C'est une question complexe, qui fait ressortir des clivages parfois inattendus. Ainsi, le fait "de relever les taux forfitaires pour les rapprocher de ceux des indépendants", comme l'affirme le ministère du Commerce et de lArtisanat, par souci "d'équité" (les artisans avaient crié à l'assassinat les premiers). Ce n'est pas la première fois depuis la rentrée que nous entendons des cris de "Au voleur ! à l'assassin !", et ce n'est sûrement pas la dernière.
La question devient celle savoir ce qui est la réponse véritablement "de gauche" à la question de l'autoentreprise. Ainsi, Henri Novelli se veut le défenseur des pauvres :
Le père de l'auto-entreprenariat, Hervé Novelli, a pour sa part dénoncé ce week-end " une mise à mort progressive des auto-entrepreneurs", ajoutant que la mesure, "véritable agression contre les travailleurs pauvres", allait faire "revenir le travail au noir". (Du même article.)
(Notons au passage que tout le monde parle de "mort".)
Ce qui apparaît à travers cette petite dispute, où d'un côté il y des morts, et de l'autre un petit ajustement des taux, c'est que le statut d'autoentrepreneur créé en 2009, est une subvention. Au-delà des facilités d'inscriptions et les arrangements du rythme des cotisations, l'essentiel du statut est dans le "cotiser moins pour travailler plus".
Est-ce une subvention utile ? Je ne dis même pas : "est-ce équitable ?" Est-ce utile ?
La création d'entreprises est utile à la société et à l'économie. Il est normal de favoriser la création de nouvelles entreprises, compte tenu du risque que prennent ceux qui s'y lancent. Favoriser les PME, et à plus forte raison la création des PME, cela fait partie de ce débloquage et cette décentralisation de l'économie qui devraient favoriser les entrants talentueux qui aujourd'hui ont du mal à trouver leur place.
Mais…
Les autoentrepreneurs ne sont pas des autoentrepreneurs. La majorité d'entre eux, en tout cas. Ils ne créent pas des entreprises ; ils travaillent. Henri Novelli le dit bien : ce sont des "travailleurs pauvres". Le but du statut était de dépénaliser le travail au noir, en contournant (grâve aux subventions) l'État providence. Vous vous souvenez de l'obsession sarkozyënne : libérer le travail, pas taxer le travail.
C'est pour cela que le statut de l'autoentrepreneur, avec ses cotisations allégées, est comparable à aux heures supplémentaires défiscalisées. Les deux sont des subventions pour faire travailler en réduisant la participation au collectif.
Si on imagine une extension à l'absurde du principe, on imagine facilement que n'importe quel travail pourrait devenir simplement un service, y compris les ouvriers dans les usines qui ne seraient plus des salariés mais des préstataires qui enverraient des factures à la fin de la journée (et qui seraient payés six mois plus tard). Je ne pense pas que cela se produira autrement que dans les fantasmes des libéraux, mais parfois l'absurde aide à mettre les idées en place. On connaît les images des fermiers californiens qui ramassent des clandestins mexicains tous les matins comme journaliers. Tous des autoentrepreneurs ?
Je disais que les taux favorables des cotisations sociales de l'autoentrepreneur était une subvention, et que la vraie question était de savoir si c'était une subvention efficace. Ce serait efficace si la structure de l'autoentrepreneuriat favorisait la véritable création de véritables entreprises. Or, justement par sa légèreté, le format semble plutôt introduire une nouvelle forme de précarité, justement en marge du système actuel. Quand on sait, qu'après trois ans, 90 % des autoentrepreneurs gagnent moins que le SMIC, on voit que ce ne sont en effet que des heures supplémentaires sans salaire de base.
La règle à appliquer, pour cette subvention, est, à mon avis, la suivante : il ne faut pas subventionner le précariat.
Les lois Hartz, en Allemagne, ont avec leurs mini-jobs effectivement fait baisser le chômage, mais au prix de très forte précarité, et une concentration de la misère sur une portion grandissante de la population qui ne vit que petits de boulots très mal payés. Plutôt que les intégrer dans le marché du travail et de les booster vers un travail plus stable, ces lois ont transformé ce marché, en encourageant les entreprises à faire appel à du précaire chaque fois qu'il est possible. Et pourquoi ne feraient-ils pas ? Les charges sont moindres, ou même inexistantes, de même que l'engagement de l'employeur. Et, en prime, les salaires sont très bas. Subventionnez la précarité, et elle fleurit.
Pour finir, je reviens à mon idée, lancée il y a quelques mois. Plutôt que de donner de l'argent à ceux qui exploitent le plus, il faudrait que les cotisations patronales soient calculées en fonction du coût social du travail. Un CDD au SMIC à mi-temps a gros coût social. L'employeur devrait payer l'avantage qu'il retire de cette précarité. En revanche, lorsqu'une boîte garde un salarié jusqu'à l'âge de la retraite, cela pourrait être récompensé.
En somme : subventionnons les choses utiles, pas la misère.
PS : Voir aussi Dagrouik et Seb Musset.
Ce n'est pas moi qui le dis, mais la Fnac. Je vais sortir des thèmes habituels aujourd'hui. Ebuzzing considère encore que je suis un blog "multi-thématique" (et pas politique), donc j'ai le droit.
L'autre jour, je suis tombé à un envoi publicitaire de la Fnac, qui crée la Fnac Pro, apparemment des produits et services qui visent surtout les professions libérales. Décryptons…
En couverture : une photo, "Louise, avocat", jolie brune, milieu de trentaine, les mains sur un clavier d'ordinateur, calculatrice et imprimés officiels sur sun bureau. Et qu'est-ce qu'elle dit, Louise ?
Moi je suis spécialiste en droit pénal, pas en imprimante.
A l'intérieur, d'autres rejoignent Louise. Jacques, par exemple. Lui, il est "chef de laboratoire". Blouse blanche, stéthoscope autour du cou, la soixantaine bien sonné, calvitie, cheveux gris, lunettes. Qu'est-ce qu'il dit, Jacques ?
Mon truc c'est la microbiologie, pas les micro-processeurs.
Le tour de Véronique ensuite. Brune, milieu de vingtaine, l'air pas contente. Elle est conseil en communication. Et pourtant qu'est-ce qu'elle dit ?
Tout ce que je sais, c'est qu'une imprimante, ça sert à imprimer.
En somme, ce sont des pros. Ils font des trucs pointus, intelligents. On les admire. On les envie. Et pourtant, vous les mettez devant un ordinateur et ils demandent à quoi sert le mulot. Heureusement pour eux, la Fnac Pro est là.
Prenons "Olivier. courtier en assurances". Chemise, pas de cravate. Pose devant des rayons de dossiers. La trentaine, cheveux courts, bien coiffé mais le regard malheureusement un peu vide.
Sur les primes d'assurance, je suis imbattable ! En revanche sur les tablettes numériques…
Le pauvre. Ils auraient prendre Jacques pour les tablettes. Parce que notre super courtier, s'il confond iPad et EPAD, on se dit qu'il n'est pas si imbattable que ça.
"Antoine", genre jeune loup, est agent immobilier.
Les seuls objectifs qui me parlent sont des objectifs de business.
Olivier aurait pu lui expliquer comment prendre une photo d'appartement avec son EPAD. Mais Antoine veut un vrai appareil photo. C'était malin de pas nous montrer un photographe qui dirait : "je connais la photo, mais pas les appareils".
La palme va sans doute à Marie. Encore une jeune brune en robe noire. Elle est comptable indépendant.
S'il fallait en plus que m'y connaisse en logiciels informatiques…
Parce qu'habituellement elle fait tout sur papier, avec un crayon et une gomme ? Elle va compter un vendeur de la Fnac pour lui expliquer comment ouvrir une feuille Excel ? La compta est l'un des métiers qui sont tellement informatisés, que les deux compétences sont réellement inséparables.
Vous avez donc compris le truc. Vous n'êtes pas stupide, vous. Pour conquérir le marché des "pros", la Fnac doit d'abord leur expliquer qu'ils sont des neuneus, qu'ils ne comprennent rien et qu'ils ont besoin de la gentille Fnac pour les aider. Leur fail vient du fait que nous ne sommes plus en 1997, et que les "pros" savent brancher un ordinateur, ils ont compris ce qu'est une tablette. Les comptables utilisent même des logiciels informatiques. Et depuis 1997, tous ces outils sont devenus beaucoup plus simple.
Or, les pros de la Fnac ne proposent pas, à ce que je vois, grand'chose au-delà des conseils de vente. Ce sont donc des vendeurs, comme on les connaît : "C'est un peu plus cher, mais pour bosser confortablement il vaut mieux prendre le modèle avec 1200", puis, l'année suivante : "celui-ci n'a que 1200, donc c'est un peu juste. Pour être bien, c'est mieux d'avoir au moins 1800". En somme, étendre leur modèle grand public aux pros. Ce qui veut dire que le modèle grand public, c'est le même, sans la partie "pro". Dans "je suis un pro, mais je suis stupide", il faut supprimer tout ce qui précède le deuxième je. Si vous ne comprenez pas ce que je veux dire, allez acheter un EPAD à la Fnac.
Depuis quelques jours et quelques billets, j'essaie de me positionner par rapport aux perspectives offertes par le hollandisme naissant, et surtout celle de ce TSCG qui se profile. Le problème, c'est ce que, comme dirait Zuckerberg, "c'est compliqué".
Tentative de tout démêler.
(Note aux lecteurs non-blogueurs : quand je n'écris pas, je peux avoir des idées très floues sur toutes ces questions ; c'est seulement quand il faut commencer aligner des mots et des arguments que les choses se précisent dans mon esprit, fût-ce provisoirement. C'est une grosse partie de l'intérêt du bloggage. Au risque de paraître comme un vieux grincheux, le tweet, parcellaire par essence, ne provoque pas le même processus.)
Sur le fond, donc, je reste profondément anti-austérité. C'était ce que je voulais montrer à propos de l'Italie, où nous avons non seulement la démonstration que l'austérité mène vers plus de déficits, et pas moins, mais la démonstration totalement folle que dans ce cas, les déficits ainsi engendrés n'ont pas de conséquence, du moment que les gens souffrent. Et c'est pour cela que je regrettais le fait la gauche française, comme la plupart des gauches du monde, avaient renoncé à remettre en question la logique des grands flux financiers, et de construire une alternative crédible au grand consensus dit "néolibéral" qui désormais nous gouverne.
Et bien sûr, François Hollande reste sagement à l'intérieur de ce consensus. Certains éléments de son discours de campagne laissaient entendre que ce ne serait pas ainsi : l'accent mis sur la croissance, la renégociation du TSCG, l'ennemi de la finance. On peut être décu :
D’ailleurs quand François Hollande cible désormais le déficit budgétaire en lieu et place de la finance comme ennemi, on peut penser que la « révolution » keynesienne est abandonnée en rase campagne.
Pourtant, Hollande avait aussi promis le retour à l'équilibre budgétaire, en partie grâce à une croissance future. A droite on ne l'a pas cru, et à gauche, secrètement, on n'y a pas cru non plus.
Bref, sur ce point essentiel, on espérait plus de "changement". J'accuse, en premier, l'absence d'une alternative suffisamment crédible, suffisamment tiède pour un gouvernement de centre gauche. La situation européenne n'arrange rien, et la pression financière n'est pas imaginaire. Même si nous trouvons qu'elle est injustifiée, immorale et inique, elle ne va pas disparaître parce qu'on n'y croit plus. Pas quand la dette publique dépasse 90 % du PIB. (Pour rappel : en 2007, quand tout était encore possible, la dette n'était que de 66 %. Et on trouvait que ça faisait beaucoup déjà.)
Cela ne devrait pas nous surprendre de voir qu'un parti comme le PS, avec son passé et ses idées, ne lance pas la France toute seule dans un combat international contre la finance, qui, en l'état actuel des équilibres politiques voudrait dire, entre autres, la sortie de l'Euro. Si on accepte (provisoirement) que cela ne pouvait qu'être ainsi, que François Hollande n'allait pas tout faire péter, il reste des différences énormes avec l'action qu'aurait été celle d'un Nicolas Sarkozy réélu, même si, encore une fois, les deux sont fondamentalement d'accord sur le fait que la crise est la faute des états qui ne maîtrisent pas leurs budgets.
J'aime bien ce passage du dernier Lordon :
On rappellera tout de même que la dette publique espagnole passe de 36,1 points de PIB en 2007… à 68,5 en 2011 – multipliée par deux. Celle de l’Irlande, de 25 à 108 % sur la même période – multipliée par quatre, qui dit mieux ! On défendra difficilement la thèse qu’Espagnols, ou Irlandais se sont jetés frénétiquement sur les médicaments ou bien ont décidé de partir en retraite à 40 ans (comme les traders, au passage) : c’est le désastre de systèmes bancaires irresponsables qu’ils ont sur les bras.
Donc, je disais : il reste des différences énormes. La TVA sociale contre les nouvelles impositions sur les riches, sur le capital, sur les grandes entreprises. Le fait de préserver l'éducation des coupes. Il y a là de profondes différences avec la droite, et sur des questions essentielles. Dans les choix, à l'intérieur certes de la même analyse, la différence est très significative. Pour l'efficacité, on ne sait pas encore.
Que faire de tout cela ? Faut-il taper sur Hollande et Ayrault, ou bien les défendre ? Faut-il être intransigeant, critique voire grognon ?
Elooooody se posait la question, pour conclure :
Il me semble aussi que le Gouvernement n'a pas besoin de moi pour se faire taper dessus. D'autres s'en chargent. Et c'est précisément parce que d'autres s'en chargent que je préfère parfois défendre ce qu'il fait de bien.
Ce n'est pas simple, et je pense qu'au final, la réponse à la question "taper ou défendre" dépend moins d'une orientation politique que du choix de rôle que fait tel ou telle blogueuse ou blogueur. Personnellement, je revendique une certaine intransigeance, parce que le parti au pouvoir a un peu plus les moyens de se défendre tout seul, parce qu'il représente désormais le Pouvoir, et le gauchiste s'en méfie toujours un peu, ou beaucoup, et surtout il faut du désaccord pour avancer le débat.
Pour finir, donc, je suis contre le vilain TSCG parce qu'il symbolise en le concrétisant le consensus financier qui nous a mis dans cette situation. Je renconnais en même temps que la situation actuelle ne laisse presque pas marge de manoeuvre. Je n'aime pas la situation.
L'autre jour je me suis penché sur le cas de de l'Italie, où l'austérité bat son plein, ou son vide, ou son bide, depuis un an, avec plusieurs tours de vis consécutifs, assortis à des libéralisations censées libérer la croissance captive. Le resultat, comme on sait, est une récession bien plus dure que ce que les chantres de l'austérité – pourtant ceux qui "savent", n'est-ce pas ? – avaient prévu.
Et tout cela est bien documenté, et ne fait même pas débat. Mais ce qui est véritablement tordu, c'est que la véritable explosion des déficits italiens n'inquiète pas tellement les marchés, ni les partenaires européens (c'est-à-dire : Merkel), alors que le but de l'austérité n'est autre que d'éviter les déficits. L'Italie s'endette comme avant, voire encore davantage, mais cela n'a plus d'importance puisque elle souffre, et l'important est de souffrir, car la souffrance rassure la finance.
Voilà, donc, où nous en étions. Mais depuis ce billet, j'ai appris qu'il y avait décifit et déficit, et que cela change absolument tout.
Oui, il y a "déficit structurel" et "déficit conjoncturel", et cela n'a rien à voir.
Voici comment l'explique Mediapart :
Mais, dans le même temps, le premier ministre, qui se rendra mardi devant les députés pour défendre la ratification du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), trouve au texte concocté par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel une vertu essentielle : celle, justement, de remettre en cause le mode de calcul du déficit en parlant de « déficit structurel ». C'est une notion beaucoup plus souple qui vise à exclure les dépenses conjoncturelles en temps de crise, voire les investissements d’avenir (routes, réseaux de télécommunication, transition énergétique par exemple).
La définition de Frédéric Lordon est sans doute plus claire :
Derrière ce morceau totalement baroque, il y a toute l’incertaine macroéconomie des « soldes structurels ». Très simple à définir vu de loin – le solde structurel est le déficit que l’on constaterait si l’économie était au plein emploi des capacités de production –, le critère TSCG est redoutablement insaisissable quand il s’agit de l’évaluer de près.
On voit déjà l'idéologique pointer son nez. Si je comprends bien, la sécurité sociale serait forcément à mettre du côté du "structurel", car ni nombre de malades, ni le coût de leurs soins ne varient selon l'état de l'économie. Les retraites : même chose. L'assurance chômage, en revanche, pourrait être considérée comme conjoncturelle, puisque le chômage devrait baisser en cas "plein emploi des capacités de production". Sauf que, bien sûr, nous avons le chômage structurel. En voici une explication qui sent un peu l'approche de paradis libéral :
Cette persistence d'un taux de chômage élevé montre qu’il ne s’agit pas d’un chômage keynésien, conjoncturel, qui serait un simple accident de parcours résorbé dès le retour de la croissance. Il s’agit bien d’un chômage structurel, qui reflète toutes les maladies de l’économie française, et ne disparaîtra pas sans réelle réforme de fond (c’est-à-dire une réforme sans commune mesure avec les actions entreprises jusqu’à présent).
Donc des dépenses comme le RSA : structurelles, bien entendu ! Sans parler évidemment des fonctionnaires, de la défense. On finit par comprendre, à regarder les seules dépenses et non le manque à gagner dû à une récession, que tout déficit est effectivement structurel. C'est ce que dit Lordon :
derrière leurs prétentions de parfaite objectivité, les partis pris « métriques » de la Commission tendent à systématiquement minimiser l’écart conjoncturel, c’est-à-dire à proclamer que la presque totalité du déficit est du déficit structurel – à réduire à la schlag, ce qu’il fallait démontrer. Nous tolérerons les déficits conjoncturels, jure le TSCG… sauf que les biais délibérés de ses méthodes de calcul attestent déjà que jamais elles ne détecteront de déficit susceptible d’être qualifié de conjoncturel…
Pour simplifier, il est donc permis (je l'autorise) de dire que le déficit structurel est celui qui va vers de gens : salaires, retraites, indémnités, etc. Tout ce qui est conjoncturel va vers des entreprises : investissements. C'est la même logique qui fait que les entreprises, même celles qui sont profitables, cherchent toujours à réduire leur "masse salariale" mais ne réchignent pas devant de très importants investissements.
Pour un pays, bien sûr, c'est plus compliqué. Donc on revient à la définition de base : les déficits seront tolérés tant que vous montrez que rien n'est dépensé pour alléger la souffrance des gens.
Evidemment, on parle de l'Espagne, à juste titre. Comme exemple, l'Italie est sans plus proche de la France. D'abord par la taille de son économie, mais également par sa chronologie, étant encore posée au bord du précipice.
On ne se contente pas non plus de couper les dépenses, on fait dans la réforme structurelle aussi :
Et le résultat ?
Et enfin :
Même en termes d'assainissement des comptes publics, c'est pire que du sur-place. L'austérité coûte plus cher que l'absence d'austérité :q
La récession qui frappe l'Italie sera deux fois plus violente cette année qu'estimé initialement et elle se poursuivra l'an prochain, a annoncé jeudi le gouvernement en relevant ses prévisions de déficits et de dettes, en dépit des mesures d'austérité annoncées ces derniers mois.
Rome prévoit désormais une contraction de 2,4% du produit intérieur brut (PIB) cette année, un chiffre doublé par rapport aux prévisions présentées en avril.
Cette dégradation se traduit mécaniquement par un creusement du déficit budgétaire: il devrait représenter 2,6% du PIB, contre 1,7% prévu au printemps, et 1,8% l'an prochain, contre 0,5%.
Mais, et c'est là où cela devient bizarre, Monti explique que de toute façon il fallait passer par là pour garder un peu d'influence auprès des interlocuteurs européens :
"Si l'Italie ne poursuivait pas résolument sur la voie qu'elle a empruntée, les marchés ne se contenteraient pas d'envoyer des signaux négatifs mais l'Italie aurait plus de difficulté pour continuer à exercer l'influence qu'elle a récemment exercée sur la scène politique et économique européenne", a dit le président du Conseil.
Vous êtes dans une récession pour rien, avec son lot de chômage et de souffrances, les déficits explosent et la perspective pour l'avenir est pire que plombée, mais… c'est bien, parce que sinon l'Europe vous auriez laisser tomber.
Pour les marchés, c'est pareil :
ROME, 25 septembre (Reuters) - L'Italie a adjugé mardi 5,437 milliards d'euros de dette à deux, quatre et neuf ans, un montant qui se situe juste en-dessous de la fourchette annoncée, avec des rendements en nette baisse.
Tout va bien, on prête sans trop compter. Bien sûr, la BCE est plus ou moins derrière. Mais, en principe, la crainte des marchés étaient que, sans "réformes", les déficits exploseraient. Voilà qu'ils explosent quand même, et du coup ce n'est pas grave, puisqu'au moins l'économie italienne n'en profite pas.
Autrement dit, les déficits ne sont pas graves du moment que vous faites souffrir les gens. A la base, il faut de la douleur. C'est le message d'Angela Merkel :
La chancelière allemande Angela Merkel a estimé mardi que l'Europe ne pourrait sortir plus forte et compétitive de la crise actuelle que si ses membres mettaient en place de douloureuses réformes et optaient pour des politiques budgétaires plus responsables.
Il faut que ça fasse mal. L'argent, la dette, tout cela est secondaire. Mais il faut souffrir. Y a que ça de vrai.